Une journée crève-cœur

Une journée crève-cœur

Chaque année, à la Saint-Valentin, bien des gens sourient, s’étreignent et se souhaitent une « joyeuse Saint-Valentin! » Pour d’autres, c’est une journée crève-cœur: le 14 février est une journée où ils pensent aux êtres chers qu’ils ont perdus et participent à des marches commémoratives partout au Canada.

Cette année marque la 21e marche annuelle en mémoire des femmes. Elle passe dans le quartier centre-est de Vancouver, un quartier où de nombreuses femmes des Premières Nations sont victimes de violence. À l’échelle nationale, il y a plus de 600 femmes sur la liste des personnes disparues ou assassinées établie par l’Association des femmes autochtones du Canada.

« En janvier 1991, une femme a été assassinée sur la rue Powell. Son nom ne sera pas évoqué aujourd’hui, car c’est ce qu’a demandé sa famille. Le décès de cette femme a été le catalyseur qui a décidé les femmes à agir et à organiser cette marche spéciale de la Saint-Valentin », expliquent les organisatrices de la marche au Carnegie Community Centre.

Contrairement à la journée pluvieuse de l’an dernier, nos membres ont eu la chance de profiter d’un temps superbe. J’ai eu le plaisir de faire la marche en compagnie de consœurs du SEN, région de la C.-B., ainsi que de consœurs et de confrères du bureau régional de Vancouver de l’AFPC, du Comité des femmes de l’AFPC, du Comité des droits de la personne et d’autres organismes communautaires.

Quand nous sommes arrivés, nous avons été accueillis par une consœur des Premières Nations, qui a remis à chacun d’entre nous une carte magnifiquement décorée. Sur chaque carte figurait un proverbe unique en l’honneur des femmes assassinées. Sur la mienne, il était écrit : « La mort laisse une douleur que personne ne peut guérir, l’amour laisse un souvenir que personne ne peut ravir. »

Avant de commencer la marche, nous nous sommes réunis dans le théâtre du Carnegie Community Centre, où les familles des femmes disparues et assassinées ont raconté leur histoire. Les personnes qui ont parlé ont fait preuve d’une force incroyable. Quelqu’un a déclaré : « Celles que nous aimions sont dans un monde meilleur; elles ne souffrent plus. Peut-être qu’elles nous observent, peu importe où elles sont, et veulent nous dire qu’elles vont bien. »

À l’extérieur du centre, il y avait des tambours, des chants scandés, des chansons, des prières et des salutations. Un confrère des Premières Nations a généreusement offert de la bannique fraîche aux participants de tous les âges; il était heureux de voir les sourires qu’il amenait sur les visages. Tout près, un aîné a procédé à une cérémonie de purification pour attirer les bons esprits et les influences positives.

Dans la foule, j’ai vu une femme pleurer. J’ai placé ma main sur son épaule pour la réconforter et, en retour, j’ai reçu une formidable étreinte. Les émotions étaient contagieuses. Nous avons pleuré, nous nous sommes étreints, nous avons échangé des histoires et nous nous sommes offert du soutien. Tout le monde était là pour la même raison.

Quand la marche a commencé, des milliers de personnes ont rempli les rues, portant des banderoles, des photos, des rubans, des affiches et des courtepointes faites à la main en mémoire des personnes qui nous ont été enlevées. Même si la plupart des marcheurs étaient autochtones, de nombreux autres, de toutes les origines, jeunes comme vieux, ont marché en solidarité.

La foule s’est arrêtée aux endroits où les femmes avaient été aperçues pour la dernière fois ou là où leur corps a été retrouvé. Chaque arrêt était marqué d’une cérémonie de purification au cèdre. La foule a attiré d’autres personnes, qui se sont jointes à la marche en cours de route. Et, comme chaque année, des aigles ont survolé la marche.

La marche a pris fin avec une veillée à la chandelle en mémoire des femmes disparues ou assassinées du quartier centre-est.

Participer à cet événement a été pour moi une expérience formidable et inoubliable. Cela nous rappelle que la lutte pour les droits des femmes n’est pas terminée et qu’il faut que justice soit rendue pour nos sœurs disparues.

Jennifer Chieh Ho
Vice-présidente régionale de la région de la C.-B. et du Yukon
Syndicat des employées et employés nationaux