Mois national de l’histoire autochtone

Un gouvernement qui avait une tendance à l’assimilation, voilà contre quoi les peuples autochtones de notre pays ont dû se battre pendant plus d’un siècle. Lorsque l’on parle de l’histoire des peuples autochtones, du point de vue des droits de la personne, il faut reconnaître que, pendant de nombreuses années, le gouvernement canadien a voulu empêcher les Autochtones de décider de leur destinée — pour qu’ils ne puissent pas résister à l’assimilation.

Peu de temps après la Confédération, le gouvernement a commencé à forcer les Autochtones à se « civiliser ». La Loi constitutionnelle conférait au gouvernement fédéral l’entière responsabilité des « Indiens ». Le gouvernement s’est ensuite mêlé de déterminer qui était « Indien », et qui ne l’était pas.

Déterminer qui avait le statut d’Indien et qui ne l’avait pas est devenu compliqué. Le statut d’Indien se transmettait de père en fils; si seulement votre père était Indien, vous l’étiez aussi. Si seulement votre mère était Indienne, vous ne l’étiez pas. Une femme ayant le statut d’Indien qui épousait un homme qui ne l’avait pas perdait instantanément son statut. Cette politique est demeurée en vigueur jusqu’en 19851.

Nombreux sont ceux qui avaient le statut d’Indien et qui l’ont eux aussi perdu automatiquement parce qu’ils ont obtenu un diplôme collégial ou universitaire.

On a fondé des conseils de bande, surtout dans le but d’atténuer le rôle dominant que jouaient les Aînés. En diminuant les pouvoirs des Aînés, la Loi sur les Indiens affaiblissait les collectivités autochtones et les rendrait plus faciles à contrôler.

« Malgré ce témoignage de respect, la Loi sur les Indiens accordait aux conseils de bande des pouvoirs limités. Les agents des Indiens pouvaient démettre de leurs fonctions des chefs qu’ils ne jugeaient pas convenables et pouvaient annuler les décisions du conseil de bande avec lesquelles ils n’étaient pas d’accord2»

Le gouvernement s’en est également pris aux pratiques spirituelles et culturelles des peuples autochtones. Les pow-wow et les potlatchs ont été frappés d’interdiction jusqu’en 1951. Les responsables du gouvernement et les missionnaires croyaient que ces pratiques « empêchaient les Autochtones de s’assimiler au sein de la société canadienne3. »

Le gouvernement a également limité les déplacements des Autochtones.

« Après la rébellion de 1885, un système de laissez-passer a été mis en place, confinant ainsi les Indiens dans les réserves. Pour sortir, ils devaient se procurer un laissez‑passer auprès d’un agent des Indiens en lui révélant sa destination, la raison pour laquelle il devait se déplacer et la durée de son voyage. Il s’agissait d’un système extrajudiciaire, reconnu comme tel par tous les fonctionnaires de la couronne4. »

Le système de laissez-passer a néanmoins été appliqué par la Gendarmerie à cheval du Nord-Ouest, empêchant ainsi la tenue de rassemblements traditionnels et confinant davantage les peuples autochtones dans les réserves. Il était devenu impossible pour les collectivités autochtones de se rassembler pour former un groupe de résistance.

Le gouvernement s’est également servi des pensionnats dans l’espoir d’assimiler les Autochtones. On séparait les enfants de leur famille dans le but de les « socialiser », loin de l’influence de leurs parents. Ces pensionnats punissaient sévèrement les élèves lorsqu’ils parlaient leur langue maternelle.

Cependant, le gouvernement n’avait pas les ressources pour administrer ces écoles. Par conséquent, il a demandé aux églises de prendre la relève.

« Les mauvais traitements, qui étaient monnaie courante dans ces écoles, auraient causé la mort de quelque 50 000 enfants autochtones, sans compter tous les autres qui ont été victimes de graves abus physiques et sexuels5. »

En 1904, Dr Peter Bryce a été nommé inspecteur médical du ministère de l’Intérieur et des Affaires indiennes. Trois ans plus tard, M. Bryce a réalisé des inspections dans 35 pensionnats dans les trois provinces des Prairies. Dans son rapport, il a révélé un taux surprenant de maladies et de décès chez les enfants. Dans ses recommandations, M. Bryce exhortait le gouvernement à assumer l’entretien complet des pensionnats et à réglementer ces écoles, puisqu’il avait promis de le faire dans un traité. »

Cependant, on a balayé le rapport sous le tapis. Frustré par le fait que le gouvernement n’ait rien fait, M. Bryce a démissionné et, en 1922, il a publié ses observations dans un livre appelé The story of a national crime (L’histoire d’un crime national).

« Cette histoire aurait dû être racontée il y a plusieurs années et présentée à la population », écrivait M. Bryce dans l’épilogue de son livre6.

« Aujourd’hui, je peux m’exprimer librement », ajoutait‑il, expliquant que, après avoir démissionné de son poste il n’était plus lié par le serment professionnel de la fonction publique, qui l’avait empêché de parler pendant si longtemps7.


[1] Henderson, William B. Loi sur les Indiens. L’Encyclopédie canadienne.

[2] Berry, Susan et Jack Brink. (2004) Aboriginal Cultures in Alberta: Five-hundred Generations. Edmonton, Alberta : McCallum Printing Group, Inc.

[3] Idem.

[4] Harring, S. (2005) There Seemed to Be No Recognized Law: Canadian Law and the Prairie First Nations. In Knafla, Louis A. et Jonathan Swainger (Éd.), Laws and Societies in the Canadian Prairie West, 1670-1940. Vancouver, C.‑B. : UBC Press.

[5] Akhavan, Payam (2012) Reducing Genocide to Law. New York : Cambridge University Press.

[6] Bryce, P. H. (1922) The story of a national crime, obtenu à partir du lien suivant : http://www.archive.org/stream/storyofnationalc00brycuoft/storyofnationalc00brycuoft_djvu.txt

[7] Idem.