Vous avez dit : « trop ethnique »!?

Imaginez que vous apprenez que votre curriculum vitae s’est retrouvé au bac de recyclage parce que votre nom a une consonance « trop ethnique ». C’est le type de discrimination évidente qui ne devrait plus exister à notre époque, mais, selon une étude, cela se produit encore trop souvent.

En 2009, Philip Oreopoulos, professeur à l’Université de Toronto, a réalisé une étude dans le cadre de laquelle 6 000 curriculum vitae fictifs ont été envoyés à des recruteurs de Toronto. Dans tous les curriculum vitae, le niveau de scolarité et l’expérience étaient comparables. La seule différence évidente était que le nom de certains candidats avait une consonance anglo-saxonne, tandis que d’autres semblaient d’origines indienne, pakistanaise ou chinoise. Un autre groupe de curriculum vitae mentionnait une expérience et des titres de compétences acquis à l’étranger1.

Un candidat qui avait un nom à consonance anglo-saxonne et qui avait fait ses études au Canada avait 16 % de chance d’être appelé pour passer une entrevue. De son côté, un candidat tout aussi qualifié, mais dont le nom avait une consonance ethnique et dont l’expérience et les titres de compétence avaient été acquis à l’étranger recevait un appel seulement 5 % du temps2.

Et lorsqu’on tenait compte uniquement du nom des candidats, « Alison Johnson » était tout de même 40 % plus susceptible de recevoir un appel que « Tao Wang »3.

L’étude révèle que la discrimination fondée sur le nom est l’un des principaux facteurs pouvant expliquer pourquoi les immigrants ont souvent de la difficulté à trouver un emploi, et ce, même s’ils sont qualifiés.

En 2010, M. Oreopoulos a réalisé une étude semblable, mais a cette fois-ci inclus les villes de Vancouver et Montréal. Quand les chercheurs ont fait des entrevues de suivi auprès des recruteurs, ils ont constaté que ceux-ci prennent souvent des décisions immédiates. En effet, ils présument qu’une personne qui porte un nom étranger ne maîtrise pas la langue ou ne possède pas certaines compétences sociales essentielles, malgré le fait que son curriculum vitae donne à penser le contraire. Autrement dit, il s’agit d’une forme inconsciente de discrimination4.

Aujourd’hui, c’est la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale. Nous voulions partager cette étude pour vous rappeler que le racisme prend plusieurs formes.

Nous ne devons pas oublier que les programmes d’action positive sont actuellement menacés. Ces programmes visent à inverser les pratiques discriminatoires du passé en donnant priorité aux individus qui font partie de catégories sociales défavorisées.

Les programmes d’action positive sont souvent un sujet de controverse. Des conservateurs comme Stockwell Day et Jason Kenney, par exemple, affirment que seul le mérite devrait être considéré lorsque les fonctionnaires sont embauchés5. Mais cette approche ne tient pas compte du racisme institutionnel.

Si « Tao Wang » est ignoré comme candidat tôt dans sa vie professionnelle en raison de son nom, n’est-il pas en train de commencer la course quelques secondes après tous les autres?


[1] Oreopoulos, P. (2009) Why Do Skilled Immigrants Struggle In The Labor Market? A Field Experiment With Six Thousand Resumes. National Bureau of Economic Research.

[2] Ibid.

[3] Ibid.

[4] Oreopoulos, P. et D. Dechief (2012) Why Do Some Employers Prefer to Interview Matthew, but Not Samir? New Evidence from Toronto, Montreal, and Vancouver. Canadian Labour Market and Skills Researcher Network.

[5] Rennie, Steve. (2010) Ottawa orders affirmative-action overhaul. Ottawa Citizen.